Pour un plan de rattrapage des effectifs de la juridiction toulousaine

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Les députés socialistes de la Haute-Garonne ont adressé au ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas, un courrier appelant à un plan de rattrapage des effectifs de la juridiction toulousaine. En effet, au regard de ses effectifs et de sa lourde charge d’activité, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse, dans un contexte de pénurie globale, fait figure de parent le plus pauvre des juridictions de sa taille.

J’apporte tout mon soutien à cette démarche dont voici le texte :

« Pour avoir voté les lois de réforme de la justice depuis 2012 ainsi que la hausse des moyens qui lui sont alloués en projets de loi de finance, nous savons que la justice est une priorité du gouvernement et que des efforts ont été faits bien que dans un cadre budgétaire contraint. Et pourtant, dans un souci de vérité et de transparence, vous avez publiquement  affirmé à plusieurs reprises que la machine judiciaire française souffrait d’un manque de moyens au risque de se gripper et nous partageons votre constat. Dans cette pénurie globale, le Tribunal de Grande Instance fait figure de parent le plus pauvre. Si nous avons décidé de vous écrire, ce n’est donc pas pour vous alerter  mais pour vous demander un plan de rattrapage pour le Tribunal de Grande Instance de Toulouse au regard des éléments que nous souhaitons vous rappeler ci-dessous.

Le TGI de Toulouse souffre  d’une fragilité  structurelle  qui impacte la  vitesse des jugements rendus avec un allongement des délibérés à plus de deux mois après prorogation, ce qui est inédit depuis 5 ans, et un délai moyen  des  ordonnances  de  référé  de  2  mois.  Cette  sous-dotation   en  ressources  humaines  a  pour conséquences d’augmenter le stock d’affaires restant à juger, de baisser le taux de couverture et d’allonger les délais de convocation au niveau du contentieux civil. Cette fragilité structurelle, et vous le savez bien, conduit à un épuisement moral et physique de tous ceux qui travaillent au TGI de Toulouse.

La réouverture  du TGI de Saint-Gaudens, que nous saluons, ne s’est pas accompagnée de la baisse de l’activité espérée pour le TGI de Toulouse tandis qu’en même temps celui-ci perdait deux magistrats non-spécialisés, de sorte que la charge de travail est la plus lourde des juridictions  du groupe 1auquel Toulouse appartient:  en 2014, les magistrats du siège non-spécialisé de Toulouse ont rendu 902 décisions au civil et au pénal, tandis qu’à titre  de comparaison le TGI de Marseille en a rendu 701, celui de Versailles 733 et que la moyenne de ce groupe est de 663. Or le TGI de Toulouse comporte  le moins de juges non spécialisés de ce même groupe puisqu’il en comprend 29, tandis que celui de Versailles en a 37. L’ensemble de l’activité pénale a augmenté significativement entre 2014 et 2015, à l’instar du nombre de jugements en correctionnelle qui a augmenté de 17,47%.

Cette tendance se voit aussi du côté des décisions civiles et pénales rendues par juge des enfants puisque là encore l’activité du TGI de Toulouse est l’une des plus élevées des juridictions du groupe 1.

De fait, le nombre  de dossier  à traiter  est supérieur  à  la  moyenne nationale  et le seuil de sous-effectif  est chronique : aucune marge de manœuvre n’est possible  en cas d’arrêt  maladie, de congés maternité ou de départ suite à la réussite d’un concours, ce qui fragilise le fonctionnement des services.

Au pôle Famille, malgré la baisse de l’activité liée à la réouverture  du TGI de Saint-Gaudens, la comparaison des ETPE au printemps  2016 montre un déficit de 6.76 ETP, soit plus de 30% par rapport  aux effectifs du service. Ainsi au service des affaires familiales, les audiences sont assurées sans interruption même en période  de vacation  et  la  moindre  absence d’un  magistrat  ou  greffe  pour  raison  médicale, congé, stage ou  assises déstabilise tout le service.

Quant au Greffe du TGI, on dénombre  en moyenne 878 affaires par agent tandis que la cible nationale  est à 743 : la juridiction souffre d’un déficit théorique d’une cinquantaine de postes.  L’âge moyen de ces agents est de 55 ans, le nombre  de départs  à la retraite  augmente  et qu’ils  sont précédés de congés annuels  et de récupération  d’heures supplémentaires ce qui génère un ajustement de répartition des tâches à flux tendu qui impacte tout le greffe.

Le parquet n’est pas en reste, il traite d’une délinquance particulièrement lourde et qui ne faiblit pas. Si chacun a pu saluer localement la création d’un poste supplémentaire de substitut ainsi que d’un assistant dans le cadre de la lutte contre la radicalisation, force est de constater que ce n’est pas encore suffisant.

Actuellement  23 magistrats sont en postes pour  un effectif  réel de 20,5 ETPT, c’est-à-dire à même  effectif qu’en 2005 alors que la population  du ressort du parquet toulousain a augmenté de 150 000 habitants depuis. Du point  de vue de son activité,   on dénombre  120 361 affaires reçues et 107 229 traitées  en 2015 contre 106 636 et 92 482 en 2014, avec 2600 défèrements  en 2015 contre  1600 l’année  précédente.   A titre  de comparaison, le parquet de Toulouse a reçu et traité  plus d’affaires que les parquets de Bordeaux  ou d’Evry tandis qu’il est moins bien doté en effectifs que ces derniers.

Or nous le savons, la délinquance  en région  toulousaine  ne faiblit  malheureusement  pas et peut  être  très violente, ce qui exige une réactivité forte du Parquet, notamment  au regard de l’état d’urgence et dans la lutte contre  le terrorisme  et la radicalisation.  Enfin cette  juridiction  a été désignée  fin  2014 comme  juridiction spécialisée en matière  militaire  avec extension de son périmètre  de compétence géographique sans que cela n’aille de pair avec des moyens humains.

C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, nous appelons de nos vœux un plan de rattrapage des effectifs généraux de la juridiction réparti  sur les années à venir afin que le niveau des effectifs  rejoigne celui des juridictions comparables du groupe 1.  En sus du poste de premier  vice-président acté, il serait bénéfique  que le TGI de Toulouse obtienne  la création d’un poste de juge des enfants, un de juge de l’application des peines, deux de vice-présidents  non-spécialisés et  de deux postes de juges non-spécialisés afin  d’approcher  les 72 effectifs nécessaires au TGI pour  combler  le retard  dont  souffre  cette  juridiction  et alléger la charge de travail.  Il conviendrait  également de porter  à 27 les effectifs du Parquet, sans oublier  le Greffe qui souffre d’un déficit d’une cinquantaine  de postes, pour permettre à la juridiction  toulousaine d’être  à la hauteur  des évolutions démographiques et socio-économiques du Grand Toulouse et de la Haute-Garonne, ainsi que de satisfaire les exigences de proximité  et de sécurité. »