Comme chaque année, les socialistes de Haute-Garonne se sont retrouvés pour commémorer la mémoire de Jean-Jaurès à l’occasion de l’anniversaire de son assassinat.
Dans son intervention Mathieu Sauce, secrétaire général de la fédération, a rappelé combien les idées et les valeurs défendues par Jean-Jaurès éclairent encore notre quotidien politique.
Mesdames et messieurs,
Mesdames et messieurs les élus,
Chers amis,
Chers camarades,
Merci d’avoir répondu à cette invitation en cette fin du mois de juillet, pour ce moment d’hommage à la mémoire de notre camarade Jean Jaurès dans ce square, au pied du Capitole, notre maison commune.
Le nom de Jean Jaurès, sonne, résonne dans l’inconscient populaire. Il est affiché sur nos plaques d’universités, de lycées, sur nos panneaux de rues et d’allées. Il est prononcé en Occitan dans le métro toulousain.
Si nous pouvons nous réjouir que Jean Jaurès soit rentré dans le patrimoine historique collectif et commun, nous avons le devoir en tant que militant socialiste, en tant que militant de gauche, de perpétuer sa pensée.
Pour que jamais « Jaurès » ne devienne qu’un simple mot sur une plaque de signalisation.
Voire pire un nom récupéré par les forces de la réaction et les forces de l’obscurantisme qu’il a combattu toute sa vie durant.
Non, contrairement à ce qu’affirment régulièrement les cadres de l’extrême droite, Jaurès n’aurait jamais voté RN ! Leurs propos sont une insulte à sa mémoire !
Jaurès était un homme de combat social, un humaniste, un universaliste, un véritable socialiste.
Cet hommage nous le rendons également pour entretenir la flamme de la République sociale, laïque et démocratique qu’il appelait de son vœu.
Jaurès est notre figure tutélaire. C’est pour nous, militant de gauche, la boussole de nos consciences et de nos orientations.
Le 31 juillet 1914 à 21h 40, Jaurès est mort, assassiné d’une balle dans la tête au café du croissant. Ironie du sort, l’homme qui tenait le revolver se nommait Villain, Villain un véritable éponyme.
Villain était un militant d’extrême droite, membre de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace Lorraine, un groupuscule proche de l’Action Française.
Bien que sa culpabilité ne fasse aucun doute, lui-même ayant avoué son acte, Villain a été acquitté en 1919, au cours d’un procès politique dans un contexte de ferveur nationaliste.
Alors « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? » pour paraphraser la seule chanson politique du registre de Jacques Brel écrite en 1972 et reprise avec l’accent chantant plus récemment par Zebda. Cette question, nous nous la posons toujours. Elle trouve un début de réponse dans le contexte de l’époque.
Le jour de son assassinat, Jaurès publiait dans l’Humanité un éditorial intitulé « Sang-froid nécessaire ». Ce fut sa dernière trace écrite pour s’opposer à la guerre.
En effet en 1914, rien ne décourageait Jean Jaurès, infatigable militant de la paix. Il mettait tout en œuvre pour tenter d’éviter que le 20ème siècle ne se jette dans la guerre.
Alors que le tourbillon de la haine conjugué au poison nationaliste, faisait tourner la tête de millions de Français et d’européens, le député et journaliste en appelait au « sang-froid ».
Tuer Jaurès, tuer ce militant pacifiste, c’était, pour les nationalistes, qui armèrent le bras de Villain, un moyen de briser le mouvement socialiste et ainsi de remplir une des conditions nécessaires pour engager les hostilités guerrières.
Au nom des rivalités impérialistes et coloniales, cette guerre détruit le vieux continent européen et fait sombrer la jeunesse paysanne et ouvrière dans d’innommables charniers.
La perte humaine fut sans précédent : près de 19 millions de morts, des centaines de milliers de mutilés, d’invalides, d’orphelins, de veufs et de veuves.
Mesdames, Messieurs,
Jean Jaurès nous a laissé un héritage idéologique colossal visant la mise en œuvre d’une République sociale, laïque et démocratique.
De cet héritage, nous en sommes toujours fiers.
Il convient aujourd’hui de s’en inspirer et de le faire fructifier c’est là une des conditions pour redonner à la gauche une ambition politique collective.
Notre devoir est de tout faire pour éviter l’éclatement de notre société, en deux blocs les forces de l’argent d’un côté et l’obscurantisme d’extrême droite de l’autre. Deux blocs distincts qui parfois se mêlent.
En effet, la déshumanisation de notre société, le non partage des produits du progrès, l’abandon des plus fragiles, la mondialisation cupide, tous ces éléments issus des forces de l’argent nourrissent dangereusement le repli sur soi, identitaire ou nationaliste.
Notre ambition c’est de donner à la classe des travailleuses et des travailleurs, des salariés, des employés, des précaires, des ruraux, des urbains, des égarés des votes, l’espoir de fonder une société plus juste, débarrassée des dominations de la finance là où le déterminisme social est à son paroxysme.
Notre volonté c’est de tarir la source de l’extrême droite du RN, notre ennemi.
Nous ne tomberons pas dans le piège qui consiste à expliquer qu’en France il existe une ultra droite rendant ainsi plus fréquentable le RN, ce jeu sémantique journalistique prêterait à sourire s’il n’était pas si dangereux.
Mesdames, messieurs aux esprits tentés par la propagande nationaliste, Jaurès écrivait : « Lorsque des échauffés ou des charlatans crient : “ La patrie au-dessus de tout ”, nous sommes d’accord avec eux s’ils veulent dire qu’elle doit être au-dessus de toutes nos convenances particulières, de toutes nos paresses, de tous nos égoïsmes. Mais s’ils veulent dire qu’elle est au-dessus du droit humain, de la personne humaine, nous disons : Non !
Non, la patrie n’est pas au-dessus de la discussion. Elle n’est pas au-dessus de la conscience.
La patrie n’est pas au-dessus de l’homme.
Le jour où elle se tournerait contre les droits de l’homme, contre la liberté et la dignité de l’être humain, elle perdrait ses titres. Ceux qui veulent faire d’elle je ne sais quelle monstrueuse idole qui a droit au sacrifice même de l’innocent, travaillent à la perdre. »
La honte me touche aujourd’hui de voir que l’on s’appuie sur ce concept galvaudé de la patrie pour traiter moins bien que nos animaux de compagnie, des femmes, des hommes, des enfants, exilés, réfugiés qui fuient guerre et misère jusqu’à risquer leurs vies dans les eaux méditerranéennes ou dans nos rues ici même à Toulouse.
Des familles avec enfants en bas âge que la préfecture expulse des hébergements dits « provisoires » dans les chaleurs folles de l’été sans proposer de solutions de repli.
Humanité, dignité humaine. Lorsque l’on a les valeurs de la gauche chevillées au corps, comment ne pas concevoir une vision humaniste et réaliste devant la dramatique crise des exilés politique, économique ou demain climatique ?
Oui, des femmes et des hommes devront s’exiler de leur terre devant l’explosion des degrés.
Ce fameux réchauffement climatique, résultat de la cupidité de la finance, de la mondialisation et des gros groupes industriels qui ruinent la bio sphère, assèche nos rivières, polluent la terre et la mer et nous empoisonnent lentement.
Mes chers camarades, puisons chez Jaurès des solutions idéologiques pour les enjeux de notre époque.
Nous sortons d’une année de lutte contre la réforme des retraites. Certes, le gouvernement est resté autiste à nos revendications.
Le dialogue social a été inexistant, les syndicats méprisés par le pouvoir.
Mais ce conflit a permis aux syndicats de défiler sous la même bannière, il a permis l’émergence de l’intersyndicale. Il nous a offert la possibilité de renouer les liens entre les forces politiques de gauche de la Nupes et plus encore, et les syndicats !
Il a permis de réanimer le corps, jusque-là paralysé, suite à la COVID, de notre société sur les questions sociales.
Et comme le disait Jaurès : « « Dans une société paralysée, l’idéal social serait comme une fleur emprisonnée et stérile ».
Ce moment de combat social nous a redonné l’espoir.
L’espoir pour nous, les militants de gauche, d’une République, laïque, sociale et démocratique comme la voulait Jean Jaurès.
Ne laissons plus le mot République être martyrisée.
De divers côtés de l’échiquier politique, on met le mot « République » à toutes les sauces. Tout le monde se réclame d’elle, jusqu’à ses ennemis d’hier.
Les uns baptisent leur parti les Républicains, les autres la mettent en marche.
L’extrême droite, quant à elle, en costume sur les plateaux télé se réclame d’elle, tout naturellement, alors même qu’elle lui vouait une haine depuis de nombreuses années ;
Tout cela témoigne des abandons successifs, des glissements idéologiques que la République a vécus. La République perd de son sens, elle n’est plus aux yeux de certains qu’un instrument de contraintes.
Elle montre son échec lorsque ses représentants vacillent et qu’éclatent, de ce fait des émeutes, urbaines qu’elle n’arrive à contenir.
Pourtant, la République doit plus que jamais revêtir les apparats d’un contrat social, démocratique, laïque, écologique et féministe. Un contrat juste, équitable qui n’oublie personne en chemin ; peu importe la couleur de sa peau, son lieu de naissance, son lieu de vie.
Elle doit permettre à chacun de ses membres de se projeter dans un collectif pour inventer ensemble un destin commun.
Elle ne doit pas être la juxtaposition de communautés, elle doit être ce livre de notre histoire collective.
Ce livre qui ne doit oublier aucun chapitre, ce livre qui peut comporter des phrases de style divers et varié mais qui raconte le roman de notre pays, de notre nation.
La République française doit ainsi réussir à faire que s’entremêlent et se cultivent nos principes de Liberté, d’Egalité, de Fraternité et j’ajouterai de laïcité.
Fin 1905, Jaurès confirmant l’importance qu’il donne à l’instruction publique écrit dans la revue de l’enseignement primaire et primaire supérieur. » sa conception de la République : elle doit accueillir tous les enfants et œuvrer par l’obligation, la gratuité et la laïcité des lois scolaires à leur émancipation citoyenne.
Il est convaincu que la laïcité est la réponse de la raison à tous les dogmatiques, qu’elle transformera la société et ouvrira à chacun des espaces de liberté.
« Laïcité de l’enseignement, progrès social, ce sont deux formules indivisibles. Nous lutterons pour les deux. » disait-il.
Mesdames et messieurs,
La vitalité de la république sociale est essentielle parce que comme le disait Jaurès quand la République sociale se meurt, les libertés démocratiques chancellent.
Et aujourd’hui, notre démocratie va mal ; après l’épisode de l’utilisation du 49.3, c’est la liberté de la presse qui est de toute part attaquée.
Le dernier épisode en date concernant le JDD, mais également la ligne éditoriale de Cnews, de C8 en sont de parfaites illustrations.
La concentration de la presse dans les mains de l’oligarchie financière lorsqu’elle est à la solde de l’obscurantisme d’extrême droite, enfante, selon les mots de Jaurès, un « régime d’avilissement universel » qui « [empoisonne] toutes les sources de l’information publique ».
Et nous sommes conscients d’une chose, c’est que dans les fondations de l’édifice de la République sociale, démocratique et laïque la presse libre a une place majeure.
Mesdames, Messieurs, Chers camarades,
Notre pays vit ainsi une époque difficile, parfois tragique. Il subit tour à tour, et parfois en même temps, les effets du réchauffement climatique, l’accroissement d’une misère inédite sous l’effet de la crise économique et sociale et des conséquences des choix politiques du gouvernement.
Une telle période est lourde de dangers et pétrie de souffrance pour nombre de nos concitoyens.
Elle est, de fait, un terreau favorable pour la poussée de l’obscurantisme, de l’extrême droite.
Mais cette étape délicate peut être franchie ; nous pouvons relever les défis qu’elle nous pose si nous savons faire preuve tout à la fois de volonté et de fidélité à nos engagements, à nos valeurs de gauche et notamment à la pensée de Jaurès.
Nous pouvons écrire l’histoire, demain aux élections européennes, après demain aux municipales, l’histoire qui changera la vie de nos concitoyens !
C’est notre responsabilité en tant que militant du parti socialiste, c’est notre devoir en tant que militant de gauche !
Comme le disait Jaurès : « Le courage, c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. »
Vive la gauche, vive la République sociale démocratique, laïque, écologique et féministe, vive la France !