Interview parue dans Actu Coté Toulouse le 03/10/2016
Sécurité, transports public, démocratie locale…
Le socialiste François Briançon, élu d’opposition, revient sur la rentrée politique du maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc.
Côté Toulouse : Dans six mois, Jean-Luc Moudenc sera à mi-mandat et, inévitablement, il s’agira de commencer à parler des élections municipales de 2020 pour l’opposition. La gauche travaille-t-elle déjà concrètement à la reconquête où faut-il encore attendre, comme le prônent un certain nombre de leaders de votre famille politique ?
François Briançon : Ceux qui vous disent qu’il faut attendre y pensent tous les matins en se rasant, vous pouvez en être assuré ! Dans cette perspective de reconquête, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir. Ce qui me paraît obligatoire, c’est d’abord l’unité de toute la gauche. Socialistes, radicaux, écologistes et Front de gauche doivent passer outre les divergences nationales pour créer cette unité et cheminer ensemble.
Pour ce faire, chacun doit faire des efforts y compris le PS, lequel doit arrêter de considérer qu’il est hégémonique et qu’il peut se passer de partenaires. Cette unité, j’y crois fortement et je sais qu’elle fonctionne. Pierre Cohen l’a démontré en 2008. Carole Delga, à la tête de la Région Midi-Pyrénées, y parvient également.
CT : Quel est votre favori pour être candidat ?
FB : Nous ne manquons pas de très bons profils et plusieurs sont déjà alertes. Je crois que la personnalité qui portera le mieux le combat contre la droite en 2020 sera celle qui réussira à mettre en place l’unité de la gauche.
CT : Est-ce un défi qui peut vous intéresser ?
FB : J’ai déjà eu l’occasion de dire que je me tenais disponible. Ma famille politique le sait. Au-delà de ma participation aux groupes d’opposition municipal et métropolitain, je suis sur le terrain, j’écoute les Toulousains, après avoir échangé beaucoup avec nos militants au lendemain de notre défaite en 2014. Car il faut que la gauche s’interroge, travaille sur le fonds, le contenu; Qu’elle soit en mesure de répondre, en 2020, aux grands défis d’une métropole. En commençant par se demander : qu’est ce qu’une métropole ? A quoi sert-elle ? Que voulons-nous et devons-nous en faire pour nos concitoyens ? Il faut ensuite asseoir cette analyse forte sur nos valeurs et notre expérience. Clairement, on ne peut pas revenir à nos positions d’avant 2014.
J’ai beaucoup de fierté à avoir participé activement au mandat de Pierre Cohen. Tout ce qu’on a fait n’est pas à jeter, bien au contraire. Mais en 2020, six ans auront passé et Toulouse, les Toulousains, leur vie quotidienne, auront changé.
Nous avons réussi ce travail d’analyse et de perspective en 2008. Nous sommes capable de le refaire en 2020.
CT : Changer le fusil d’épaule, sans mauvais jeu de mots, sur les questions de sécurité, est-ce cela ne pas revenir sur certaines positions du mandat de Pierre Cohen ?
FB : Ce peut être un exemple. Car le contexte a changé. En 2008, le climat n’était pas celui que nous connaissons aujourd’hui, réellement anxiogène. Merah est passé par là, les nombreux attentats aussi, la délinquance a progressé. En ce sens, Jean-Luc Moudenc a pris des mesures qui m’apparaissent nécessaires. Je ne critiquerai donc pas le recrutement de policiers municipaux, ni même leur armement. Le développement de la vidéo-surveillance me paraît une nécessité. La municipalité se devait de monter en puissance aux cotés de l’Etat sur les questions de sécurité. En revanche, les propos tenus par Jean-Luc Moudenc lors de sa rentrée politique sont critiquables.
L’argumentation de Jean-Luc Moudenc est déplorable. Elle consiste à agresser l’Etat en réclamant des renforts, parce qu’il est allé trop loin dans ce qu’il a promis durant sa campagne électorale, par cosmétique électoral, parce qu’il ne résiste pas à un petit coup de populisme. D’autant qu’il fut bien silencieux lorsque Nicolas Sarkozy a coupé dans les effectifs policiers partout dans le pays… Jean-Luc Moudenc a bel et bien raté sa rentrée politique.
CT : Pensez-vous que Toulouse ne mérite pas davantage de renforts policiers ?
FB : Toulouse doit porter un autre combat. En matière de sécurité, ce n’est pas s’opposer à l’Etat ou l’agresser qui fera avancer les choses. Nous devons collaborer. A titre personnel, et cela n’engage pas forcément tous mes camarades socialistes, je considère même qu’il faut sortir de la dualité entre polices municipale et nationale. Cette répartition est un concept des années 1980. Le contexte n’est plus le même. Il faut imaginer de nouvelles méthodes, dans un cadre législatif évidemment, impliquant davantage la police municipale dans les missions de la police nationale.
CT : L’autre dossier brûlant de la rentrée politique de Jean-Luc Moudenc est l’annonce de la mise en place de la tarification sociale dans les transports publics. N’est-ce pas finalement une mesure de gauche ?
FB : Sur ce sujet, ce n’est pas la justice sociale qui est en jeu. Mais nous devons savoir comment faciliter l’utilisation des transports en commun dans une ville en proie aux bouchons, dans une époque où l’environnement et les économies d’énergie sont un vrai défi.
Réduire la part de la voiture en ville, c’est cela la responsabilité de la collectivité locale. Et en matière de transports publics, on a jamais vu une fréquentation augmenter après une hausse des tarifs…
Je crois également que la tarification sociale va à l’encontre de l’aide que nous devons apporter aux plus démunis. Deux tiers des retraités connaissent aujourd’hui des difficultés. N’oublions pas qu’au-delà des petites pensions, nombreux sont les seniors qui viennent aujourd’hui en aide à leurs enfants ou à leurs petits-enfants.
CT : Pour le coup, la 3e ligne de métro proposée par Jean-Luc Moudenc servira à réduire la part de la voiture en ville. Vous étiez inquiet sur son financement. Le plan budgétaire présenté avant les vacances vous a-t-il rassuré ?
FB : Non, car ce plan de financement n’est pas abouti. Il manque plus d’une centaine de millions d’euros. J’ajoute que le tracé n’est pas non plus abouti : Colomiers ou pas Colomiers, aéroport ou pas aéroport, Labège ou pas Labège ? Jean-Luc Moudenc répond aujourd’hui avec beaucoup de flou. J’ajoute que ce projet, s’il aboutit, nous empêchera de réaliser d’autres opérations pendant au moins 20 ans.
CT : La rentrée a également été chaude à l’occasion de plusieurs réunions publiques entre riverains et élus. Avez-vous assisté à l’une d’entre-elles ?
FB : Oui, le climat est houleux au point qu’une réunion n’a par exemple pas pu se tenir et qu’une autre a été annulée. Des réunions publiques où le ton monte entre riverains et élus, ce n’est pas insolite. Durant le mandat précédent, nous nous sommes fait bouger. Mais pas comme ça… Jamais avec de telles invectives et noms d’oiseaux. Ces scènes témoignent et attestent qu’à presque mi-mandat, la relation entre Jean-Luc Moudenc et les Toulousains est déjà entravée.